Benies soient les corvéesAlamosa, Colorado. Une bourgade du sud des montagnes Rocheuses, perdue sur un immense plateau agricole. Un foyer de SDF accueille les cabossés de la vie, les exclus, les déclassés. Pour quelques jours, quelques semaines, on leur offre un lit, des repas, une chance de reprendre pied après un parcours chaotique.

« La Puente » – le pont – est un foyer au fonctionnement très américain. Pas de subvention, pas d’argent public ; le foyer exploite une ressource inépuisable : la culture du volontariat, véritable institution aux Etats-Unis. Ici, ils sont une poignée de jeunes volontaires pour accueillir les nouveaux arrivants, préparer et servir les repas, écouter et assister les sans-abri. Une charge de travail énorme et de lourdes responsabilités pour ces jeunes peu formés au travail social. Ils se sont engagés pour un an, sans trop savoir ce qui les attendait, mais gonflés à bloc à l’idée d’être utiles.

C’est la rencontre de ces deux mondes que les réalisateurs ont filmée. Une confrontation souvent rude, mais remplie de respect et de compassion. Pendant près de trois mois, Aline Deforge et Emmanuel Presselin ont rejoint les rangs des volontaires et travaillé à leurs côtés. Ils se sont immergés dans la routine de La Puente, prenant part au service des repas, à la collecte des invendus de supermarchés, aux corvées… Ils se sont liés aux sans-abri et les ont laissés raconter eux-mêmes leur vie au foyer, leurs galères, leurs rêves. De vagabonds, marginaux, clandestins, alcooliques, laissés-pour-compte, ces hommes et ces femmes deviennent des êtres singuliers, avec un nom, un visage, une histoire, une voix. En contrepoint, les volontaires s’expriment à leur tour sur leur travail auprès des sans-abri, révélant un ressenti d’une profondeur inattendue.

Pourquoi partir, comment partir ? «Bénies soient les corvées !» est aussi une réflexion sur le voyage solidaire, actif, et invite à s’interroger sur le sens d’un voyage.

Emmanuel Presselin exerce quelques années comme monteur pour des chaînes de télévision. L’expérience sera courte… Il préfère donner la priorité à des projets plus personnels associant musique, vidéo et voyage.

Aline Deforge est traductrice et musicienne. Son travail l’oriente vers les domaines audiovisuel et artistique. Les projets documentaires menés aux côtés de son compagnon sont l’occasion d’utiliser toutes les cordes à son arc.

Pour ce couple nomade, voyager ce n’est pas seulement aller voir ailleurs, mais c’est aller vivre ailleurs. S’immerger, apprendre la langue, travailler. De leurs voyages, ils rapportent des images et des mots, des impressions, des témoignages collectés en confiance et sans précipitation