Nicolas Bouvier, l’écrivain-voyageur par excellence

En 1963 paraissait “L’usage du monde“, récit d’un voyage de deux ans depuis la Suisse jusqu’en Inde, qui allait devenir LE récit de voyage de référence de toute une génération.

Nicolas Bouvier et son ami peintre Thierry Vernet ont effectué ce voyage de juin 1953 à décembre 1954 dans une petite Fiat Topolino, devenue personnage à part entière de cette équipée. Ils n’avaient ni plan précis, ni calendrier, pas d’autre objectif que de se laisser porter par le voyage lui-même. “Un voyage se passe de motif. Il ne tarde pas à prouver qu’il se suffit à lui-même. On croit qu’on va faire un voyage mais bientôt c’est le voyage qui vous fait ou vous défait“, deviendra une des phrases les plus connues de Nicolas Bouvier..

Il lui a fallu neuf ans pour éditer “L’usage du monde“, illustré de dessins de Thierry Vernet, il faudra attendre 2001 pour que soit publié (chez Hoebeke) “L’oeil du voyageur” , recueil de photographies prises par les deux compères presque 50 ans plus tôt.

A l’instar de la couverture du livre (la petite Fiat sur la route d’Ankara, jerricans plus ou moins bien arrimés sur le coffre), ces photographies ont un étonnant pouvoir d’évocation. Nous ne sommes pas là dans la “belle image” mais nous partageons des tranches de vie de Macédoine, d’Iran, d’Afghanistan ou d’Inde.

On peut se poser la question du délai si important entre la publication de “L’usage du monde” et la diffusion des images du voyage. En fait, exposition et livre sont à l’initiative du Musée de l’Elysée, à Lausanne. Dans sa très intéressante préface à “L’oeil du voyageur“, Daniel Girardin, Conservateur du Musée, nous aide à remettre les choses en perspective : “L’intérêt porté à la photographie dans notre culture est récent et le statut de celle-ci a profondément changé.(…) De nombreux travaux photographiques restés sans diffusion durant des dizaines d’années font l’objet d’une attentive réévaluation. C’est le cas des photographies de Nicolas Bouvier.”

Daniel Girardin nous dit encore : “La mode de la photographie de voyage est trop souvent apparentée à un vaste jeu de cache-cache, la parodie du spectacle d’un monde perdu, dans lequel des nomades mythiques cachent les signes extérieurs de leur modernité pour revêtir les apparences d’un passé disparu. Et à juste titre regretté. De ce point de vue, les photographies de Nicolas Bouvier sont d’une sincérité absolue. (…) Le dialogue de Nicolas Bouvier avec son environnement naturel et culturel devient ainsi le regard d’un monde moderne fasciné sur un monde désormais clos, nimbé du mythe des origines.”

Réédité en 2008, “L’oeil du voyageur” est surtout disponible aujourd’hui sur le marché de l’occasion.

Et pour conclure, un petit retour soixante ans en arrière, avec cet extrait d’une émission de la RTS : https://www.youtube.com/watch?v=y-SWM6i01Ek