On a déjà dit ici-même beaucoup de bien de Julien Blanc-Gras, le plus original et le plus drôle des ‘’écrivains-voyageurs’’ contemporains.

Les premières phrases de son livre « Dans le désert » (paru en 2017) sont une belle ode à cette envie d’aller voir ailleurs qui anime beaucoup d’entre nous : ‘’Je voue une confiance mesurée à l’être humain. Ce niveau de confiance tend à diminuer quand je me contente de rester chez moi en consommant de l’information. Dès que je pose le pied sur un autre continent, une bouffée d’optimisme me transporte’’

Cet ouvrage est le récit d’une virée dans les pays de Golfe, d’un désir de voir de ses propres yeux au-delà des clichés.

Il arrive au Qatar. ‘’On recense environ deux cents cinquante mille Qataris sur un territoire qui accueille deux millions d’étrangers venus bâtir un nouveau monde irrigué par les dollars qui jaillissent du sous-sol’’

On ne peut pas dire qu’il soit enthousiasmé par l’architecture toute en nuances des villes–champignons de l’Emirat. Il s’efforce néanmoins de relativiser : ’’Mais les pyramides de Guizeh ne semblaient-elles pas artificielles en leur temps ? Les pharaons de la IVème dynastie étaient-ils accusés de céder au bling-bling ?’’

Mais bien sûr, et c’est pourquoi nous vous parlons de ce livre aujourd’hui, en 2017 le Qatar était déjà un gigantesque chantier en vue de la Coupe du Monde 2022.

Désireux de connaître un peu mieux cet univers où les curieux ne sont pas les bienvenus, Il sympathise avec Fouad, un cadre libanais, qui lui décrit à grands traits le schéma hiérarchique en vigueur ‘’Les ingénieurs sont occidentaux, les contremaîtres arabes, les administratifs indiens, les ouvriers népalais, sans oublier les Africains à la sécurité’’.

En fin de journée, ils voient les ouvriers qui montent dans les bus pour rentrer dormir au camp, à des dizaines de kilomètres de là : ‘’Un agent de sécurité est chargé du comptage.

– Il vérifie qu’ils sont tous là. Parfois, il y en a qui s’évadent, explique Fouad

Il a bien utilisé le verbe ‘’s’évader’’.

– Ne crois pas que j’adhère à ce système, précise-t-il. Mais qu’est-ce que tu veux faire ?

Cette impuissance résignée (ou complice, je vous laisse décider) traduit le sentiment de la plupart des expatriés bien lotis’’

Au-delà des très intéressantes pages consacrées à la Coupe du Monde, on apprend, mine de rien, beaucoup de choses dans ce petit livre de 179 pages. Et pas seulement sur le Qatar : sur Bahreïn, Dubaï ou Oman également. Et toujours avec un petit sourire et un refus de juger trop vite et trop facilement.

Voilà. Livre de Poche. 7.20€. Encore temps de courir chez votre libraire avant la finale (boycottée ou non)