Une route de terre longe la mer du haut des falaises au fond de larges baies. Le vert des prairies cernant les rares fermes illumine par instant un paysage de pierres entre le gris du ciel et celui de l’océan.

Nous quittons la piste pour un chemin conduisant à un phare dressé sur un effondrement de colonnes de basalte. Kalthamarsvik, éphémère village de pêcheurs (1900-1930), a abandonné près du rivage ses murs de pierre et de tourbe qui, par grand vent, servent d’abri aux moutons.

Nous avons déjà bivouaqué là lors de voyages précédents. Il y a un an, nous avions abandonné le lieu en pleine nuit sous les assauts de la tempête. Nous espérons avoir plus de chance cette année pour profiter pendant quelques jours de la solitude de ce rivage aux allures de Chaussée des Géants islandaise.

Le vent s’est levé. Il brasse avec violence l’humeur salée de la mer. Nous sommes réfugiés dans notre véhicule en attendant des heures meilleures… Cet après-midi peut-être, demain sans doute, à moins que, cette nuit encore, nous battions en retraite…

Notre abri est une vitrine privilégiée pour amoureux des oiseaux. Gravelots et bécasseaux picorent le sable où viennent se reposer les eiders. Au pied du phare, un couple d’huitriers repousse les assauts d’un grand corbeau puis d’un labbe parasite. Pétrels et goélands virevoltent au ras des vagues. Au-dessus d’un étang protégé de l’océan par un relief de galets, les sternes et les mouettes dessinent des arabesques grises et blanches. À l’écart du rivage, chevaliers, pluviers et courlis affrontent la tourmente avant de se blottir dans les creux de la lande. Les deux plongeons imbrins observés tout à l’heure ont disparu. Le vent est trop fort, trop froid, aussi nous ne tentons pas de sorties photographiques et nous contentons d’une approche par jumelles interposées un verre de thé brûlant à la main, dans le balancement de notre embarcation secouée par la bourrasque.

Voici trois semaines que nous parcourons l’Islande avec une lenteur que nous affectionnons. Il est bien trop tôt pour pénétrer dans le cœur désertique de l’île. Bien que l’hiver ait été clément, les pistes qui le sillonnent ne sont pas ouvertes. Il faudra plusieurs semaines pour que les bulldozers y comblent les ornières profondes, effacent les glissements de terrain, dégagent les gués des plus grosses pierres. Si des chutes de neige tardives ne compliquent pas leur tâche, les engins auront terminé leur ouvrage mi-juillet pour le plus grand plaisir des amoureux du 4×4 décidés à accrocher le cœur noir de l’Islande à leur tableau de chasse !

Pour l’heure, seules les routes et les pistes faisant le tour le l’île sont ouvertes. Des exceptions cependant : quelques routes secondaires franchissent des cols pour passer d’un fjord à l’autre. On grimpe 500 m de dénivelé en quelques km avant de dévaler l’autre versant. Certaines de ces routes ne sont toujours pas ouvertes.

Alors nous musardons, empruntons les chemins de traverse, revenons sur nos pas pour découvrir le profil caché d’un fjord, approcher un groupe de cygnes chanteurs, randonner le long des rivières sauvages dans l’espoir de débusquer les garrots arlequins au maquillage plus vrai que nature. Nous y découvrons ces lieux de solitude et de nature brute qui nous font tant aimer l’Islande.

Dans quelques jours, le soleil glissera doucement sur la mer puis reprendra aussitôt son envol pour nous offrir un jour sans fin.

Nous vous souhaitons un bel été.

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